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Lisanne Goodhue

addressing body borders (toujours) - score 3













 

soudainement pour l'internaute-touriste, tout devient limpide:


 

* le texte suivant a été rédigé pour 'Karaoké' (2020), ma thèse de Maîtrise au Master exerce, ICI-CCN Montpellier, Université Paul-Valéry, Montpellier. Les éléments et pratiques nommées font partie des bases de création pour 'closure'.

 


Dans ma pratique de danseuse-performeuse, les yeux ont des dimensions sociales et abstraites, parfois utilisés comme outils d’extrême dissociation, ou d'extrême association avec soi et les autres.


Du point de vue de celui qui m’observe le regard de dissociation extrême, c’est un peu comme avoir le regard vague, endormi, de l’intérieur. Il laisse un rideau pastel sur l’iris, balaie et balaye pour balayer, sans proie. Il est attentif de l’intérieur, c’est celui qui rend l’image floue, proche de l’endormissement. C’est un regard qui s’en fout, il s’en soft, un regard velour, velouté, vaporeux, qui absorbe les textures qui l’entourent et les rend équivalentes. Il dédramatise une posture, il amollit l’enveloppe, il est sans attache et vagabond, il s’amuse naïvement dans les prés aux soleils. Il échappe à l’autorité des choses, il aplanit les surfaces et volumes, et s’en fout encore un peu. À son apogée, c’est un regard-kétamine, qui produit une déconnexion totale avec le monde logique qui l’entoure. Ce regard voit à l’extérieur, devant, derrière, de côté, en diagonale, et à l’intérieur aussi. Ce regard peut me faire faire des choses précises et dirigées, mais je ne le sais pas vraiment.


J’ai expérimenté trois fois cet apogée: lors d’une conversation silencieuse de 45 minutes avec Maria Scaroni en 2018, lors d’une heure de danse les yeux fermés à Berlin avec Louise Wagner en 2014, et à la suite d’une méditation d’une heure avec Jared Gradinger et Angela Schubot, allongée et emmitouflée d’habits d’hiver dans un studio froid à Montréal en janvier 2016. Cela ne m’arrive pas souvent, mais je commence à y voir une technique pour arriver à l’état décrit ci-haut. To be clear, certains contextes créés par des médiateurs m’aide à y aller, mais je parviens là parce que je le cherche un peu.


Ce regard peut être apeurant, et il ne faut surtout pas monter sur un vélo après avoir croisé ce regard. Il faut avoir des amis, de la sauge à brûler ou autre, boire de l’eau et attendre jusqu’au retour de soi.



Open the door, but know how to close it before going in.



Le regard d’association extrême est celui qui te reconnaît. Qui prend l’enveloppe de la mer et l’arrache à son sol, désancre le pissenlit de la pelouse verte, vive. C’est un regard qui saisit la couleur, qui lit les caractères en tout petits des polices d’assurance, un regard qui voit la matière, reçoit les sourires et les sourcils froncés, les regards instigateurs. C’est un regard qui comprend que les nuances d’ombres au mur proviennent des feuilles qui valsent au soleil. C’est celui qui sait où je suis, qui cartographie l’espace, me donne les volumes et les distances des choses, m’évalue comme sujet d’un tout hétéroclite. C’est le regard qui fait le café, et à son apogée, qui rattrape de justesse cette tasse de café vacillante et débordante. C’est le regard qui écrit ce mémoire. Pas que, mais entre autre. Ce regard voit à l’extérieur, devant, derrière, de côtés, en diagonale, et à l’intérieur aussi. Ce regard peut me faire faire des choses précises et dirigées, et j’en suis consciente.


Entre, tous ces regards qui restent innomés et innommables.


Je peux les identifier ces deux regards comme des pôles, en sachant que la plupart du temps je suis quelque(s) part(s), à plusieur(s) endroit(s) entre(s) le(s) deux(s), en performance et dans ma vie de tous les jours.



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